Je ne le fais pas souvent, mais voici un petit billet coup de gueule, à chaud, pour vous parler de la façon dont les élections françaises se déroulent pour nous (en pratique, je ne parlerai pas du fond politique…)
Nous habitons à Pittsburgh, en Pennsylvanie, Etats-Unis. Ici, pas de consulat ni de bureau de vote, il nous faut aller à Washington DC si nous voulons mettre en personne un bulletin dans l’urne. En pratique, cela veut dire que nous devons faire 800 km aller-retour (imaginez que vous habitez à Lyon et qu’on vous demande d’aller voter à Paris: c’est la même distance). Si nous ne voulons pas les faire dans la journée, il faut également rajouter, en plus du prix de l’essence et de l’autoroute (payante dans cette partie des Etats-Unis), une nuit à l’hôtel et les repas… Plus de 200 dollars environ. Je rappelle que nous avons un bébé de moins d’un an et une petite fille de 3 ans, ce qui apparente ce genre de voyage à une petite expédition… Comment avons-nous géré les choses?
Pour les élections présidentielles, ni le vote électronique ni le vote par correspondance n’était possible. Heureusement, nous avons rencontré une amie française ici que nous connaissons suffisamment bien pour lui confier notre droit de vote, et nous lui avons fait une procuration pour le premier tour (faire cette procuration nous a pris environ 2 heures pour aller la signer en personne devant le consul honoraire de Pittsburgh).
Pour le second tour, nous avons décidé de mettre à profit l’exercice de notre droit citoyen pour passer le week-end à Washington et emmener Lottie au musée de l’espace qui est très réputé (sauf que Lottie a été déçue car il ne ressemblait pas au musée de Peppa Pig, et que j’ai été frustrée de ne pas y passer plus de temps pour parcourir en détails les expositions…) Nous y sommes allés avec deux procurations chacun, donc 6 bulletins dans l’urne au total, ce qui était quand même satisfaisant. Le point positif, c’est que tout était très bien organisé à Washington et nous avons échappé aux plusieurs heures de queue qui ont eu lieu dans d’autres consulats à l’étranger.
Pour les élections législatives: le vote électronique aurait dû être possible, mais le 6 mars, le ministère des affaires étrangères décide de l’annuler à cause « du niveau de menace extrêmement élevé de cyberattaques ». Ok, il reste le vote par correspondance: j’envoie un email avec toutes les info nécessaires bien avant le 14 avril et je reçois l’accusé de réception du Service des Elections du Consulat Général de France. Il faut que mon vote parvienne au consultat avant le 1er juin pour être pris en compte (sachant qu’en France, les gens votent le 11 juin pour le premier tour).
Vendredi 26 mai: je reçois les professions de foi des candidats ainsi que les bulletins de vote. Par contre, pas d’explication ni de matériel de vote. Je me dis que cela arrivera dans un prochain courrier. Le week-end passe, c’est le lundi du Memorial Day aux Etats-Unis, un jour férié. Mon mari reçoit son courrier le mardi 30 mai, avec les professions de foi des candidats, les bulletins ET le matériel de vote par correspondance. Réalisant qu’il doit y avoir une erreur sur mon cas, j’alerte mon député et le consulat. Oui, il y a eu une erreur (inexpliquée), et ils me rassurent en me disant que je peux toujours faire une procuration ou voter en personne à l’urne ce samedi (nous sommes mardi, il faudrait donc que je prévois à nouveau un voyage de 800 km aller-retour pour le samedi). Je pourrai peut-être faire une procuration? Certes, mais les Français que je connais ici votent par correspondance, et je ne veux pas faire de procuration à quelqu’un qui m’est inconnu (j’estime qu’il faut quand même un minimum de connaissance et surtout de confiance en la personne à qui on confie son droit de vote!). Au passage, je ne suis pas la seule à vivre ces difficultés, à tel point que notre député Frédéric Lefebvre a envoyé une lettre au Président Macron le 26 mai (« les conditions d’organisation de ce vote sont également plus que préoccupantes! »). Nous ne sommes pas du même bord politique, mais je reconnais que là, il fait son boulot.
Donc je ne voterai pas pour le premier tour des élections législatives. Je me console en me disant qu’au moins, mon mari aura voix au chapitre. Comme je le disais plus haut, pour que son vote soit pris en compte, il faut que son bulletin arrive avant le 1er juin au consulat (il a reçu le courrier le 30 mai en rentrant du boulot). Son bulletin part donc le 31 mai (impossible de faire plus tôt) et si tout va bien, il devrait arriver le 1er juin. Aucune marge, mais ça devrait passer. Et bien non: aujourd’hui, il a reçu un email du consulat lui disant que son bulletin n’avait pas été reçu. Mais que bien sûr, il conservait « toutefois la possibilité de voter à l’urne en personne ou par procuration si vous en avez déjà établie une. »
Voilà. Nous avons fait l’effort de nous déplacer à Washington pour le second tour des élections présidentielles (je l’ai déjà dit mais je me répète: cela veut dire 800 km aller-retour avec un bébé et une petite fille de 3 ans). Nous ne connaissons personne qui se rend à Washington samedi pour voter, et nous ne voulons pas faire de procuration à des inconnus. Nous ne voulons pas refaire la route une deuxième fois. Aux Etats-Unis, on appelerait cela un « excessive burden », un fardeau excessif. En pratique, je me considère privée de mon droit de vote à cause de l’incompétence de l’administration française. Comme je l’ai écrit à mon député et au consulat, « Je me sens très frustrée dans l’exercice de mes droits de citoyenne. C’est indigne de notre démocratie. »
Pour avoir d’autres points de vue sur le sujet (tout aussi frustrés), je vous invite à lire cet autre post de blog et ainsi que celui-ci du blog Les aventures de la famille Bourg.
EDIT pour rajouter les deux derniers liens.
Toutes mes condoléances pour ton vote 🙁
Dommage que les trains à grande vitesse annoncés par Obama ne se soient pas matérialisés sur la ligne Pittsburgh-Washington, ça aurait rendu l’aller-retour plus facile…
http://www.philly.com/philly/gallery/100252589.html?view=graphic