Passionnée par les USA, y ayant séjourné plusieurs fois et déterminée à y habiter, Veronique est arrivée aux Etats-Unis il y a 26 ans et y a rencontré son mari américain en fac de droit. Ils ont deux filles de 15 et 13,5 ans nées aux Etats-Unis et vivent à Chicago. Veronique est avocate de formation, a travaillé 19 ans dans la communication internationale et vient de se reconvertir comme agent immobilier et se spécialise dans l’accompagnent des familles expatriées arrivant sur Chicago.
Bonjour Véronique et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions ! On va commencer par l’arrivée de vos filles, qui sont nées aux Etats-Unis: comment se sont déroulées vos différentes grossesses ?
J’ai eu trois grossesses ici (fausse couche la première fois, interruption de grossesse pour raison médicale la 2e puis grossesse sans problème la 3e). Avant ma 3e grossesse, nous avons adopté une petite fille au Texas. Ce qui m’a frappé ici et continue de me frapper c’est la disponibilité des médecins et leur ouverture. Si vous leur posez des questions vous aurez de vraies réponses mais très humaines. Nous avons aussi eu une babyshower et j’ai trouvé que c’était assez agréable de se sentir soutenue et de recevoir ce dont on a vraiment besoin avant la naissance.
Est-ce que vous avez bénéficié d’un congé maternité ?
Oui, j’ai eu 12 semaines mais j’ai travaillé jusqu’à ma date d’accouchement mais comme j’étais en pleine forme, cela ne m’a causé aucun problème, au contraire.
Et l’allaitement ?
J’ai allaité ma fille 15 mois. On est très bien soutenue si on désire allaiter mais pas du tout forcée à le faire. Moi qui y allait à reculons, ce fut une des plus belles expériences de ma vie. De retour au travail, comme je travaillais pour une société assez grande, nous avions une salle de lactation où j’allais tirer mon lait deux fois par jour. Quant à mes collègues, il n’y a eu aucun problème. Seuls mes collègues français se sont gentiment moqué de moi, appelant la salle de lactation la salle Elle & Vire, eu égard à mes origines normandes.
Avez-vous suivi les conseils français ou américains sur l’éducation des jeunes enfants ?
J’ai fait un mélange des deux cultures et suivi mon instinct. Mes filles n’ont pas eu de sucettes et étaient nourries sur demande donc toutes les trois heures en moyenne. Pour l’introduction des solides on a suivi les recommandations de l’époque et attendu les 6 mois car mon mari vient d’une famille a nombreuses allergies alimentaires. Bien sûr, maintenant ils viennent de changer leurs recommandations en la matière 😊 Pour la propreté, j’ai inscrit mes deux filles à un programme appelé Booty camp absolument génial qui leur apprend la propreté sur un weekend. En une semaine, elles ont chacune été propres y compris la nuit.
Comme je travaillais, mes filles allaient à un home daycare (chez une nounou) jusqu’à ce qu’elles entrent au lycée français en petite section à 3 ans pour l’ainée et deux ans et 10 mois pour la seconde.
Vos filles sont maintenant des adolescentes, sont-elles scolarisées dans le système américain ?
Non, elles vont au Lycée français de Chicago. Aux USA, je trouve que l’école est beaucoup plus positive qu’en France et les profs sont infiniment plus disponibles. Je m’investis beaucoup à l’école. J’ai dirigé la commission chargée de l’accueil des nouvelles familles, je dirige la commission liée aux difficultés d’apprentissage, j’aide avec la troupe de comédie musicale, j’aide l’association des parents quand je le peux et nous avons logé plusieurs professeurs à leur arrivée sur Chicago. Bien sûr on est certainement plus stressés ici mais elles sont mieux encadrées et mieux à même de vivre leurs différences ici.
Quel est leur quotidien en tant que binationales et biculturelles ?
Comme beaucoup d’enfants américains, elles font et ont fait du sport (actuellement les deux font du basket et l’ainée fait du foot, la cadette de l’escalade). Toutes les deux font de la comédie musicale. Toutes ces activités se font au sein du lycée français. Elles font du bénévolat car elles aiment cela.
Et au niveau de la langue et de la culture française ?
Elles sont bilingues mais l’anglais est dominant donc leur vocabulaire en français n’est pas aussi développé, d’autant que moi je souffre d’attrition du langage. Je m’efforce de leur transmettre des éléments de la culture française comme les films classiques, savoir sortir les belles choses et faire de belles fêtes, la politesse…
Nous voyons beaucoup de familles francophones du fait de l’école, et elles ont des amis français, binationaux ou étrangers. Elles se parlent en français lorsque nous sommes en France, ici ça varie. Elles se voient biculturelles mais la première a un lien très fort avec la France. C’est très charnel chez elle. Elle se voit vivre en France ; il serait impensable pour elle de ne pas y passer l’été ; elle est très attachée à la nourriture française, la qualité des produits, leur odeur. Je reviens deux fois par an en France et les filles y passent 4-5 semaines l’été. De mon côté, le fait d’avoir eu des enfants aux Etats-Unis m’a fait redevenir beaucoup plus française qu’avant.
Vous avez deux filles : pensez-vous que les genres sont plus marqués aux Etats-Unis ?
Non, mais le marketing dirigé vers les enfants oui. La division rose/bleu selon le genre est une création des années 80. Avant toute la pub des jouets se faisait en couleurs primaires, avec des filles en salopette, etc. Si vous regardez l’édition originelle de Peter Pan par exemple, vous verrez le garçon en rose couleur réputée trop forte pour les filles 😊 (pour info : https://www.facebook.com/PigtailPals/, http://melissaatkinswardy.com/). On assiste aussi à une hypersexualisation des filles dans la pub et les vêtements proposés. Autre vaste sujet….
Les rôles homme/femme sont beaucoup moins rigides ici qu’en France, pays latin par définition. Je vis avec un homme qui cuisine et qui ne croit absolument pas que certaines taches me sont réservées du simple fait que je suis une femme (à part expliquer la vie sexuelle aux filles 😊 )
Votre ainée va bientôt avoir 16 ans et d’autres différences culturelles vont apparaître : l’âge légal pour conduire aux Etats-Unis est de 16 ans et pour consommer de l’alcool 21 ans. Comment est-ce que vous allez gérer cela ?
Mes enfants conduiront à 16 ans, probablement pas seuls car nous sommes dans une grande ville. L’interdiction de boire est relative. Il est légal dans l’Illinois de servir de l’alcool à votre enfant mineur à votre domicile, par contre s’il sort ensuite et provoque un accident, vous pourrez être poursuivi en justice. Les filles savent que des limitations existeront ici et pas en France.
Comment expliquez-vous à vos enfants les différences culturelles qui peuvent poser question en France, comme le serment d’allégeance à l’école, le contrôle des armes, le rôle de la religion ?
Different parents, different rules therefore different countries, different pasts, different rules…. Pour elles le monde est très plat et elles acceptent complètement que les choses se font différemment selon les pays. Pour la religion, elles vivent dans un environnement tellement diversifié qu’elles en connaissent beaucoup plus que moi au même âge. Elles n’ont par contre étant au Lycee français jamais connu le serment d’allégeance.
Vos filles et vous-même sont franco-américaines, vous sentez-vous en décalage avec les familles purement américaines, françaises expatriées ou vivant en France ?
Oui, par définition, nous sommes différents, que ce soit en France ou même ici. J’ai de très bonnes amies au Lycée mais, en 12 ans, jamais mon mari et moi n’avons été invités à diner chez des couples franco-français. De plus je ne suis pas expat mais franco-américaine.
Sans famille prochaine aux Etats-Unis, comment gérez-vous les imprévus du quotidien ?
On n’a jamais été soutenu. On est parti deux fois en 22 ans seuls mon mari et moi. Pour les maladies et mon mari et moi pouvions rester à la maison donc ça n’a jamais posé de problème. Autrement le soir c’est baby-sitter. L’équilibre entre la vie de couple et la vie de famille est plus dur car tout coûte plus cher ici.
En parlant argent, est-ce que vous avez beaucoup d’aides financière pour les enfants aux Etats-Unis ?
On peut déduire 5000 dollars par an de son assiette d’imposition par enfant. Tout est très cher : pour l’orthodontie, les bagues de ma fille nous ont coûté 7500 dollars (3000 remboursés), il faut recommencer et on a décidé d’attendre encore un peu. Nous avons un petit compte épargne pour les études supérieures mais le plan est soit qu’elles aillent au Canada soit en Europe.
Et ma dernière question : votre mari étant américain, est-ce que vous vous heurtez à des difficultés supplémentaires en tant que couple mixte ?
Oui bien sûr, on parle de deux cutures qui ne communiquent absolument pas de la même façon (voir l’excellent livre The Culture Map d’Erin Meyer). Les références culturelles sont différentes, le sens de l’humour aussi. Le français est minoritaire quand mon mari est présent. Il n’y a pas d’incompréhension avec mon mari, mais avec mes beaux-parents toujours. Ils nous critiquent sur la façon de se tenir à table, de faire rester les enfants à table, de les avoir mis en école française et du fait que ce choix fait qu’on n’aura pas assez d’argent pour les envoyer à l’université aux USA, etc.
Pour moi, élever mes enfants ici m’a permis d’être plus sensible à leurs différences et spécificités, et d’éviter à tout prix de vouloir les faire rentrer dans le moule. Elles sont remarquablement « self aware », tolérantes. Elles s’adaptent très facilement. Ma grosse réussite selon moi c’est qu’elles se sentent Françaises ce qui n’était pas gagné en vivant aux USA et mariée à un Américain.
Merci Véronique d’avoir partagé votre expérience de mamans aux Etats-Unis !
Vous pouvez contacter Veronique MacDonald, qui est Real Estate Broker dans la région de Chicago à l’adresse: vmacdonald@koenigrubloff.com.
Note: les photos sont de moi (Lily) ou de mon père, prises lors d’un passage à Chicago. Vous aurez compris que la ville est magnifique architecturallement, que ce soit l’ensemble des grattes-ciels ou les sculptures qui parsèment le centre-ville.