La Silicon Valley en 12 signes du quotidien

Nous allons bientôt fêter nos 3 ans à Pittsburgh, ce qui veut dire que dans quelques mois nous aurons passé autant de temps en Pennsylvanie qu’en Californie. Il était donc plus que temps que je mette la touche finale à cet article sur la Silicon Valley qui traîne dans mes brouillons depuis… 4 ans déjà ?!

Ha, la fameuse Silicon Valley !

Vous ai-je déjà narré la petite histoire de l’échange avec ma maman qui, me voyant partir là-bas, me demande naïvement :

– Alors, tu vas aller te promener sur les bords de la Silicone ?

– Que veux-tu dire ?

– Eh bien, la Silicone ! La rivière ! Tu vas bien habiter dans la Vallée de la Silicone non ?

Dire qu’elle était présente à ma soutenance de thèse en microtechnologie… (à son corps défendant, elle avait peut-être entendu parler plus de Silicium que de Silicon…) Bref, c’est une anecdote qui me fait encore rire 6 ans après.

Dans la Silicon Valley, les rivières coulent sous des nano-ponts.

La Silicon Valley est un endroit très particulier : je ne vais pas vous en faire l’historique technico-sociale, je suis sûre que notre ami Google (dont c’est le lieu de naissance) pourra très bien répondre à vos interrogations. En revanche, je voulais partager un autre point de vu, celui de quelqu’un qui a vécu, a eu un enfant et a travaillé dans cet endroit qui fait rêver bien des gens.

La Silicon Valley, un endroit incroyable pour les amoureux de la technologie

On commence par le côté glamour :

1. Ce que je surnomme l’effet Silicon Valley : dès que nous conduisions quelque part (oui, parce que comme dans beaucoup d’endroits aux Etats-Unis, on ne marche pas, on conduit), nous nous exclamions régulièrement : « Ha, SanDisk ! Je ne savais pas qu’ils étaient là ! » « Ha, Agilent Technologies ! Je ne savais pas qu’ils étaient là ! » « Ha ! La Nasa ! Je ne savais pas qu’ils étaient là » « Ha ! Tesla ! Je ne savais pas qu’ils étaient là ! » « Ha ! Applied Materials ! Je ne savais pas qu’ils étaient là ! ». Bref, vous avez compris le topo : tout le monde sait que la Silicon Valley héberge Google et Apple, mais ce sont loin d’être les premières grosses entreprises à y avoir vu le jour et la concentration en entreprises de haute technologie y est phénoménale et probablement inégalée au monde.

L’université de Stanford (source).

2. Les landmarks mythiques pour tous les férus de culture geek : il y a bien sûr l’université de Stanford qui est magnifique, les campus de Facebook et Google, le garage Apple à Los Altos et le garage HP à Palo Alto (voici une liste sympa). Mon « monument » préféré reste cette statue en forme d’œuf fabriqué à partir de cartes de microélectroniques que l’on pouvait voir près d’University Avenue à Palo Alto : Digital DNA (malheureusement, elle a été enlevée au mois de juin et va être réinstallée à Harvard University).

Digital DNA: une sculpture qui se trouvait à Palo Alto (il faudra maintenant aller à Havard pour la voir).

3. Les bons restaurants et boutiques ethniques : la Silicon Valley a une population extrêmement diverse avec des personnes qui viennent du monde entier : Chine, Inde, Thaïlande, Japon, Europe etc. Ce qui fait que nous avions pas mal de choix pour sortir dîner et que nous avons également étendu notre répertoire culinaire, notamment en allant faire les courses de temps en temps à 99 Ranch Market, une chaine de supermarchés taiwanais.

4. Les conférences et groupes professionnels à foison : lorsque je suis arrivée aux Etats-Unis, j’étais sous un visa H4 et je n’ai pas eu le droit de travailler pendant 2 ans. Qu’à cela ne tienne : j’ai passé pas mal de temps à me rendre aux séminaires sur l’énergie organisés par Stanford, aux lunchs du Technology and Society Committee et à des conférences organisées par plusieurs groupes IEEE : MEMS and Sensors Chapter, Santa Clara Valley PhotoVoltaic Joint Society Chapter, Santa Clara Valley Chapter of the IEEE Magnetics Society, SF Bay Area Nanotechnology Council… Ce à quoi il faut ajouter quelques centaines de groupes MeetUp de technologie sans parler des activités de la communauté française. Cela illustre bien à quel point la région est dynamique pour les professionnels, et c’était pour moi une bonne façon de rencontrer du monde et de maintenir un semblant d’activité intellectuelle.

Quelque soit votre techno de prédilection, vous y rencontrez des mordus comme vous.

5. Les applications et services qui démarrent ici : la Silicon Valley, c’est le royaume des start-ups mais aussi des early adopters, ces personnes qui se jettent sur les dernières innovations pour le plaisir (je ne sais pas si c’est à cause du sophisme « c’est nouveau donc c’est mieux » ou s’il s’agit d’une attitude plus raisonnée de curiosité : « Pourquoi ne pas essayer cette nouvelle application ? » ) Nous avons donc bénéficié avant l’heure de Google Shopping Express (service de livraison des courses à domicile de Google), Order Ahead (pour la nourriture), Uber (que tout le monde connaît bien à présent) etc. Nous avons aussi utilisé des applications qui sont mortes par la suite comme Homejoy qui fournissait un service pour le ménage.

Lottie joue avec une smart watch : même les bébés sont des early adopters !

6. En parlant de nouvelles technologies, j’avais la chance (ou pas ?) de croiser régulièrement des Google Cars, les voitures autonomes développées par Google, surtout lorsque je me rendais à Montain View le vendredi. A chaque fois, cela ne manquait pas de m’émerveiller: « Whaou, je suis bien au centre du monde de l’innovation technologique ! » (Ceci dit, Pittsburgh est aussi une ville pilote pour les véhicles autonomes et nous croisons assez souvent des voitures Uber sans chauffeur (mais avec un chauffeur quand même, tout comme les voitures Google d’ailleurs)).

7. Un autre aspect sympa était de croiser beaucoup de personnes âgées très connectées : comme je le disais, les habitants de la Silicon Valley sont des early adopters (il faut dire que c’est aussi une population très éduquée qui a les moyens), et j’étais soufflée de voir des senior citizens de facilement 80 ans surfer et utiliser des tablettes et smartphones mieux que moi.

Mais la Silicon Valley a aussi une face sombre dont on parle moins

En effet, la région n’a pas que des côtés enchanteurs et je vais vous parler maintenant du revers de la médaille :

8. Certaines personnes (pas tous) y travaillent énormément : et on les comprend, ils sont sur des projets ambitieux voire révolutionnaires. Mais malgré la richesse culinaire dont je vous parlais ci-dessus, certains ne prennent pas le temps de manger et survivent en avalant des poudres protéinées. Ça tombe bien, il s’agit d’un produit ambitieux et révolutionnaire développé par les collègues du bâtiment d’en face (bon, je me moque mais c’est certainement mieux que les ramens grâce auxquels j’ai survécu lorsque j’étais une pauvre étudiante stagiaire !)

9. Le sujet de la nutrition nous pousse tout naturellement vers le sujet de la santé : certaines entreprises ont joué de façon un peu trop insouciante aux apprentis chimistes lors du développement de la microélectronique, ce qui a laissé des souvenirs persistants dans la vallée comme une contamination au trichloroethylene. Je connais bien le problème car nous vivions dans le quartier de San Miguel et nous avons un jour reçu une lettre de l’EPA (l’Agence de Protection Environnementale) nous informant du problème (la pollution ayant été causée par trois entreprises : Philips, AMD et TRW Microwave, mais les dangers environnementaux des produits utilisés en microélectronique est un problème connu et mondial).

L’informatique a besoin d’un support matériel dont les coûts de fabrication ne sont pas anodins.

Le site est encore en cours de décontamination et l’EPA cherchait des maisons où prendre des mesures de niveaux de trichloroethylene. Vu les risques de ce produit chimique, j’ai répondu avec enthousiasme: il peut être notamment nocif pour le fœtus au premier trimestre (je venais de tomber enceinte lorsque nous avons emménagé dans notre maison de Sunnyvale et nous pensions également au deuxième). C’était d’autant plus inquiétant que le daycare de notre fille était aussi dans la zone ! Finalement, il s’est avéré que les émanations dans notre maison était inférieures au seuil dangereux défini par l’EPA mais par contre, les niveaux étaient trop élevés dans certaines salles de classe de la crèche d’en face.

Pour finir sur le sujet de la santé, la Silicon Valley est un endroit où la circulation automobile est très importante, où il fait plutôt chaud et qui est un peu enclavé (la vallée est entourée de collines même si l’effet cuvette est bien moindre qu’à Grenoble) : nous avions régulièrement des alertes à la pollution aux particules fines (et je ne parle pas de l’épisode de l’année dernière où la vallée entière s’est faite envahir par les particules générées par les incendies au nord de la Californie).

L’autoroute 101 qui va de San Francisco à San Jose est bouchée aux heures de pointes (source) (donc pas comme sur cette photo).

10. Le dynamisme de la Silicon Valley ne se réduit pas à celui des humains : là-bas, même la terre bouge car la baie entière est construite sur plusieurs failles sismiques, notamment la faille de Hayward du côté de Fremont. Il y a donc régulièrement des petits tremblements de terre (pas méchants) mais il y a surtout une probabilité assez élevée pour que la région subisse un jour The Big One (ceci dit, la probabilité que cela arrive est plus grande à Los Angeles). Lorsque nous habitions à Sunnyvale, j’avais fait des réserves de nourriture, d’eau et de matériel pour nous permettre de tenir quelque temps en cas de sinistre. Heureusement, nous sommes partis avant que cela n’arrive mais je dois avouer que je suis soulagée de ne plus vivre en permanence avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.

Les failles sismiques et les risques associés dans la Silicon Valley (Source.)

11. La Silicon Valley, c’est aussi un marché de l’immobilier dément : il l’était il y a trois ans et cela s’est encore exacerbé. Lorsque nous sommes partis en 2015, la valeur de la maison que nous louions (un petit préfabriqué de 100 m2 dans un quartier très loin d’être chic) était de presque 900 000 dollars. Elle est estimée à 1 500 000 dollars aujourd’hui ! Une famille souhaitant vivre dans un bon school district peut facilement dépenser 5000 ou 6000 dollars de loyer par mois. Comme la protection des locataires est minimale aux Etats-Unis et que ce sont souvent des contrats court (un an), on entend des histoires affreuses de personnes se voyant imposer des augmentations de loyer de 50% (pour notre part, nous avons eu une augmentation de 20% après 9 mois dans notre premier appartement). Mais ce n’est pas grave puisque vous pouvez louer une tente pour seulement 900 dollars par mois (et encore, c‘était en 2015 !) Mais je vous ai déjà parlé de tout ceci dans mon billet sur les raisons qui nous ont poussés à quitter la Californie (au passage et pour ceux que ça intéresse, voici le blog d’un realtor de la Silicon Valley dont j’adore le ton !)

Seulement 1,5 millions de dollars, une aubaine!

12. Comme vous pouvez aisément le deviner suite au paragraphe ci-dessus, la Silicon Valley est aussi le royaume des inégalités : entre les salariés des grosses entreprises (et encore, même certains ingénieurs galèrent) et tout le reste de la société : enseignants, infirmières, caissières, serveurs… Beaucoup de gens ont du mal à boucler les fins de mois, se voient forcer de vivre dans des conditions précaires ou avec des temps de transport incroyables (ma collègue technicienne qui habitait à une heure et demi partait de chez elle à 5 heure du matin pour éviter les embouteillages). Bref, si la Silicon Valley est le modèle du futur que nous réservent les GAFAM, il serait temps qu’elles révisent leur business plan.

Pendant que certains avancent vers un avenir radieux, d’autres sont laissés sur le côté de la route…

En conclusion, cette expérience de vie dans la Silicon Valley a été très intéressante : c’est une région source de fantasme pour beaucoup de monde et ces quelques années m’ont fait réaliser que si c’est effectivement un endroit extraordinaire, tout n’y était pas rose. Et je ne vous ai pas parlé du prix exhorbitant des solutions de garde pour les enfants de moins de 5 ans (un problème général aux Etats-Unis mais exacerbé par le coût de la vie important dans la Bay Area), de la période de sécheresse que la région a traversée lorsque nous y habitions ou de la conférence transhumaniste à laquelle nous avons assistée. C’est aussi une région magnifique avec énormément de visites touristiques à faire : San Francisco, Napa et Sonoma, Big Sur, Monterey, le Lac Tahoe, sans parler de tous les petits parcs, les musées et la vie culturelle. Il est vrai que je regrette de n’avoir pas profité davantage du dynamisme professionnel qu’offre la région mais je ne regrette pas notre décision d’en être partis.

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