Il est de notoriété que s’il est très facile de parler de la pluie et du beau temps avec les Américains, il est beaucoup plus difficile de se lier d’amitié. Les Américains sont en fait comme leurs jardins: le jardin de devant la maison est toujours bien soigné et magnifique à regarder. Sur les côtés de la maison, il y a une porte qui permet d’accéder au jardin de derrière. Là où les choses se passent. Là où le quotidien des gens resurgit. Il s’agit donc, lorsqu’on veut apprendre à connaître les Américains, d’ouvrir cette porte et de découvrir ce fameux backyard.
Je parle des jardins californiens. J’aurai pu filer cette métaphore et arrêter là mon texte. Oui mais. J’ai vu depuis d’autres jardins américains. Aux Etats-Unis comme en France, l’architecture et l’environnement des maisons dépend de la géographie. Par exemple, les jardins de la banlieue de Pittsburgh ne sont pas clos et tout ce qu’on y fait est visible. Il faut dire qu’en Pennsylvanie, l’hiver est froid et long, et que les gens profitent beaucoup moins de l’extérieur. Ma métaphore n’est donc plus aussi pertinente.
Cela me fait penser à un effet de la vie d’expatrié auquel je cherche encore un nom: la tendance à cataloguer toutes les différences que l’on rencontre comme une différence culturelle typique du nouveau pays, alors qu’elles proviennent peut-être d’une simple ignorance de la part de l’expatrié ou d’une particularité très locale. Par exemple, ces personnes qui rapportent du Doliprane de France car ils ne trouvent pas de paracétamol. En fait, la molécule a deux noms et les Américains utilisent le deuxième, acétaminophène. Ou encore le fait que les gens soient ennuyés par les pommeaux de douche fixes, sans penser à aller au magasin de bricolage du coin et d’y acheter un tuyau flexible et une clef à molette pour le remplacer. Un touriste qui irait faire ses courses dans un Walgreen pensera qu’on ne trouve pas de produits frais ( « Qu’est-ce qu’ils mangent mal ces Américains! ») alors qu’il suffit d’aller faire un tour au Trader Joe’s d’à côté pour trouver de bons fruits et légumes.
Apprendre à vivre dans un pays prend des années. Tant qu’on n’a pas cette expérience de vie à l’étranger, on ne se rend pas compte à quel point on bénéficie d’être plongé dans un environnement connu depuis l’enfance: les subtilités, les codes et les traditions sont seconde nature. Vivre dans un nouveau pays nécessite de faire cet apprentissage sur le tas et surtout sans filet. Cela m’a appris à être plus prudente dans mes jugements, curieuse d’approfondir les sujets même les plus futiles et surtout de garder l’esprit sans cesse critique, même et surtout de ma propre pensée – bref, de faire preuve de plus d’humilité.
Aux Etats-Unis plus particulièrement, pays dont la culture est si proche de la nôtre qu’on la juge à l’aune de notre propre vision. Lorsque j’ai un problème ou que je suis ennuyée par quelque chose, je me dis qu’il est très probable qu’une autre personne dans les 325 millions qui peuplent le pays a vécu la même chose et a trouvé une solution (souvent dans les rayons de Home Depot, le Leroy Merlin américain). Lorsque sur un coup de colère je me dis que les Américains sont décidemment très cons, je me souviens qu’ils dominent la planète depuis la fin de la seconde guerre mondiale, que leur PIB par personne est supérieur à celui de la France (59.5 k$ /personne contre 43.6 k$ en 2017) et qu’ils ont créé la plupart des grosses entreprises du XXIème siècle. Le pays est même toujours classé devant la France par le World Happiness Report. Lorsque que je leur en veux d’avoir voter Donald Trump, je me rappele que Marine Lepen a eu plus de 33% des votes au second tour de l’élection présidentielle française. Oui, les Etats-Unis sont loins d’être un pays parfait – mais finalement, la France non plus. Tout comme ma petite personne.
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Moi je pense : l’avenir de l’expat c’est de devenir inpat. Qu’on se le dise !