4 pistes pour mettre en place le télétravail dans votre entreprise avec succès

La France se reconfinant pour la troisième fois, je me suis dit que ce serait une bonne idée de partager mon expérience du télétravail forcé qui dure depuis plus d’un an.

Petite introduction nécessaire pour vous donner du contexte: je suis ingénieur informatique, exerçant actuellement dans la partie Front-End sur un site web aux États-Unis qui attire plus de 50 millions de visites annuelles. Ma boîte venait de lever des fonds quelques mois avant le début de la pandémie, et nous sommes dans une phase de très grosse croissance. J’ai passé trois mois au bureau avant qu’on nous envoie chez nous, ce qui m’a permis de créer quelques liens qui ont facilité la transition. Cependant, l’équipe d’ingénieur Front-End a doublé depuis un an, j’ai eu une nouvelle manager en juin, bref, j’interagis au quotidien avec des gens que je n’ai jamais rencontrés « en vrai ». Et pourtant, les choses se passent de façon de façon surprenante plutôt bien (même si on est bien d’accord, je préférerais pouvoir aller au bureau!)

Voici quatre raisons qui je pense font que cette année de télétravail est plutôt un succès:

1. “Le bien-être et la santé de nos employés sont nos premières priorités.”

C’est comme cela que commence notre réunion d’entreprise du lundi matin. Il n’y a pas de mystère, dans le monde de l’entreprise comme dans la vraie vie, les crises révèlent les valeurs de chacun (et les inégalités!) Les géants de la tech aux États-Unis sont passés très vite au télétravail, ce qui a permis de normaliser ce choix: mon entreprise a suivi rapidement et le message a été tout de suite assez clair: hors de question de retourner dans les locaux avant plusieurs mois. Lorsqu’on était dans un creux de vague en fin d’été, nous avons répondu à un questionnaire pour voir si nous étions intéressés pour revenir au bureau, mais aux vues des circonstances, personne n’était prêt à intégrer le retour au bureau dans son budget risque.

Beaucoup d’entreprises aux États-Unis ont donné une allocation de quelques centaines de dollars à leurs employés pour leur permettre d’aménager leur espace de travail (achat d’un bureau, d’une chaise, d’un standing desk…) Je ne sais pas si cela est répandu en France et à mon humble avis, c’est aussi le rôle du gouvernement d’encourager ce type d’initiatives en proposant par exemple un crédit d’impôt sur ces dépenses exceptionnelles (j’avoue que je suis assez peu au fait de la législation française mise en place pour aider les entreprises à faire face au confinement).

Avoir un espace de travail bien aménagé: une condition indispensable pour bien travailler chez soi.

Le printemps dernier a été assez dur car il fallait faire la classe à nos deux jeunes enfants (3 et 6 ans) pendant 12 semaines en plus de notre travail quotidien (et encore plus dur car je venais d’intégrer la boîte et qu’il fallait que je fasse mes preuves!) Puis encore trois jours par semaine à la grande à la rentrée pendant deux mois, suivi d’une nouvelle fermeture des écoles pour deux semaines en décembre. Cependant, j’ai pu lever un peu le pied à certaines périodes et prendre quelques jours de chômage partiel grâce à la loi FFCRA passée par le Congrès en mars dernier (une grosse et bonne surprise de la part du Congrès républicain d’alors!) Je n’ai jamais eu de commentaires autres que de soutien de la part de mes managers ou de mes collègues (« Do what you need to do» ) et cela ne s’est pas du tout ressenti sur mon augmentation et mon bonus annuel (le fait que l’entreprise marche bien aide aussi évidemment!) Lorsque je devais louper des réunions, ma chef de projet les enregistrait et je pouvais facilement me mettre à jour.

Enfin, mon entreprise s’est toujours efforcée d’être la plus transparente possible envers ses employés et les dirigeants ont redoublé d’effort surtout les premiers mois, en partageant par exemple le compte-rendu des réunions entre managers et en assurant la continuité de la réunion d’entreprise hebdomadaire que nous avions avant la pandémie.

En période de crise, il est à mon sens vraiment judicieux pour une entreprise d’investir et de soutenir davantage ses employés (en plus d’être la chose morale à faire!): on n’oublie jamais une main tendue et vos salariés vous le rembourseront en loyauté.

2. Slack ou Teams: quand la plateforme de communication collaborative devient indispensable

Je n’avais jamais travaillé avec Slack avant d’être dans cette entreprise, et comme je le racontais dans mon article sur 3 astuces pour travailler à la maison, je ne pourrais plus m’en passer (il parait que c’est pareil que Teams pour ceux qui connaissent). Slack, c’est le chat IRC des premières années d’Internet, mais dans un milieu professionnel où les gens savent se tenir (n’oublions pas qu’aux États-Unis, il est très facile de virer quelqu’un et que la fameuse liberté d’expression est bridée par un souci internalisé du politiquement correct).

Nous avons des canaux par équipe produit et équipe fonctionnelle, des canaux pour les collaborations, certains thèmes transverses et la communication générale à l’entreprise. Un gros avantage de Slack par rapport aux emails est que tout collaborateur a accès à un historique sur lequel on peut faire une recherche (très utile par exemple si vous avez un bug avec un message d’erreur, vous pouvez chercher si quelqu’un l’a déjà rencontré et comment cela a été résolu).

Il y a aussi des canaux autour de centres d’intérêt: pour les amoureux du café, des oiseaux, du jardinage, pour les parents, les amateurs de films, de cuisine ou de politique. On s’abonne, on participe ou pas, mais c’est l’équivalent virtuel de la machine à café et ça rajoute une couche d’humain dans nos interactions quotidiennes!

Sans parler de l’interface de programmation de Slack qui permet de faciliter certains processus: nous avons des robots qui postent des messages automatiques, comme le rappel pour notre stand-up quotidien ou certaines alertes. Et surtout: des emoji programmables et personnalisables (les emojis vont partie intégrante de notre culture d’entreprise!) Par exemple, si je clique avec un feu vert sur un message d’un autre ingénieur Front-End, celui-ci va automatiquement recevoir un message l’informant que je suis prête à faire sa revue de code. C’est magique, rigolo et super pratique!

Même si nous avons tendance à utiliser d’autres outils, Slack permet aussi de passer facilement des appels visio et partager son écran pour travailler ensemble (on peut même écrire sur l’écran de l’autre!)

Bien sûr, les plateformes de communication collaborative comme Slack ou Teams ne sont pas la panacée et sont surtout réservées à la communication en interne (en tant qu’ingénieur informatique, je n’ai quasiment pas d’occasion d’interagir avec des personnes extérieures à l’entreprise). Je crois que Slack propose la mise en place de canaux inter-entreprises, mais cela doit correspondre à des besoins bien spécifiques.

Pour la petite anecdote, je me souviens avoir parlé de Slack en 2018 avec d’anciens collègues français: à l’époque je ne connaissais que pour avoir écouter une émission radio sur le sujet mais je m’étais dit que ça semblait vraiment révolutionnaire. Malheureusement, la balle que j’avais lancée est retombée immédiatement au sol, et c’est ce genre de non-curiosité qui me chagrine dans un milieu qui pourtant est sensé être le fleuron de l’innovation française… Bref, je vous renvoie à mon article sur La start-up France et l’innovation technologique d’il y a trois ans (*) (Slack ou Teams ont l’air quand même pas mal utilisés en France, il y a eu un article dans Le Monde récemment.)

3. Une pratique Agile de la gestion de projet

Vous avez peut-être entendu parler de la méthode Agile ? C’est la référence en matière de méthodologie de travail en informatique. D’après mon expérience, c’est effectivement bien adapté à ce genre de métier, mais pour avoir travaillé dans d’autres industries, et en reconnaissant que cela demanderait des adaptations, je pense qu’il y aurait certaines choses à exporter, notamment certains « rituels » (le nom un peu fancy donné aux réunions). Voici notamment deux rituels que nous avions déjà avant la pandémie, mais qui je pense ont facilité la transition au télétravail:

  • Le stand-up quotidien: tous les matins à 10 heures, toute mon équipe se connecte en visio et nous disons ce que nous avons fait la veille, ce sur quoi nous comptons travailler ce jour-ci et s’il y a quelque chose qui nous bloque. C’est une réunion très courte (5 minutes) mais cela permet de faire un point rapide avec les autres et de maintenir un sentiment de responsabilisation. Certaines fois, je dois demander un conseil ou une précision rapide à l’un ou à l’autre et nous prolongeons la réunion après que les autres soient retournés à leur travail. Au début, je trouvais que cela faisais vraiment micro-management, mais j’ai réalisé que c’était quand même très pratique et que je gardais aussi une marge de manœuvre si je décidais de passer la journée sur autre chose: au final, le reste de l’équipe en sera informé très rapidement. Nous avons aussi l’occasion de faire le point en fin de journée sur Slack, mais c’est facultatif.
  • Les rétrospectives: nous travaillons en « sprint »  de deux semaines (en gros une période de travail sur laquelle on s’engage pour des livrables) et à la fin, nous avons une réunion consacrée à parler du passé. Nous faisons le point sur:
    • Ce qui a bien marché,
    • Ce qui aurait pu mieux se passer,
    • Les choses à essayer pour le prochain sprint.
La retrospective: une réunion que je trouve très constructive de la méthode Agile.

La méthodologie Agile favorise la communication et pousse à l’expérimentation avec une fréquence de feedback très élevée: cela permet de communiquer rapidement sur les choses qu’on aimerait voir évoluer et d’éviter que les situations ne s’enveniment. À condition que chacun joue le jeu, et c’est là tout l’art du Scrum Master (en gros, le chef de projet, qui est la pierre angulaire de l’équipe. J’ai de la chance d’avoir une excellente Scrum Master qui fait un magnifique travail depuis un an). Par exemple, au début de la crise, nous avons passé du temps à discuter sur les façons de communiquer de manière asynchrone. Nous avons aussi expérimenté avec une solution pour faire un point en milieu de journée car notre démarche était de favoriser la sur-communication. Nous avons abandonné cette idée au bout de quelques mois – perso, je trouvais que pour le coup, on passait vraiment en mode « micro-management » dont on sait bien quel effet ça a sur les employés. Mais j’ai pu donner mon feedback très rapidement et très sincèrement sur le sujet!

4. Aménager de l’espace pour les rencontres informelles

C’est le quatrième et dernier point, et non des moindres! Comme j’ai beaucoup d’idées à partager, je vous propose de nous retrouver dans un prochain article qui sera dédié à ce sujet.

Mais toutes les entreprises ne peuvent pas aussi facilement passer au télétravail!

En conclusion, je voulais tout de même reconnaître que passer au télétravail n’est clairement pas possible ni aussi facile pour toutes les entreprises et toutes les industries. J’ai de la chance de travailler en informatique, où nous sommes de toute façon devant notre ordinateur pour le travail de fond. L’enjeu pour nous était surtout de maintenir la communication, et je dois dire que la bienveillance et la positivité des Américains et le fait que mes collèges soient plutôt jeunes (donc plus aguerris à cette drôle de vie virtuelle et la majorité n’ayant pas d’enfant), a probablement rendu les choses plus faciles.

Cela dit, je suis quand même vraiment impatiente de retourner au bureau et d’interagir physiquement avec des gens.  Il faut reconnaitre qu’ il y a en ce moment une grosse fatigue pour beaucoup de personnes et qu’on est tous pressé de mettre cette période derrière nous.

Vivement qu’on puisse revivre des moments comme ça!

Il y a un an, le CEO de ma boîte était opposé au télétravail: la pandémie lui a fait faire volte-face et nous embauchons actuellement des gens dans tous les États-Unis, avec option de travailler à distance à 100%. Je pense que le plus dur est quand même à venir, car il va falloir trouver un bon équilibre après la pandémie entre les employés qui pourront faire du présentiel et les autres. Ce chapitre est encore à écrire et je suis vraiment curieuse de voir comment nous nous en sortirons!

(*) Je viens de relire cet article et je ne peux m’ empêcher de souligner la petite phrase : « c’est la même chose en biologie » dans mon point 8. D’ici à voir un lien avec le développement des vaccins, notamment ceux utilisant la technologie à ARN messager…

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