Dernièrement, je parlais du livre The Culture Map avec une collègue (un Lisou Award 2019) et cela m’a fait repenser à une différence entre les cultures occidentales et asiatiques qui je pense est importante pour comprendre la dynamique mondiale de la pandémie. Dans le chapitre sur la persuasion, Erin Meyer explique que certaines cultures raisonnent d’abord sur les principes (typiquement les Français) tandis que d’autres raisonnent sur les applications (comme les Américains). Mais cette dichotomie principles-first / application-first ne s’applique pas aux cultures asiatiques, qui ont une approche de la persuasion holistique (contre spécifique pour les cultures occidentales).
Erin Meyer partage les résultats de quelques expériences amusantes, comme la façon de décrire une scène marine: les Américains se concentrent sur le premier plan (par exemple le gros poisson coloré) tandis que les Japonais parlent davantage de ce qu’il se passe à l’arrière-plan. Ils parlent aussi deux fois plus souvent de l’interdépendance entre les objets des premiers et arrière-plans.
Autre expérience révélatrice: l’art du portrait. Les Américains vont prendre le portrait d’une personne en gros plan tandis que l’objectif sera plus éloigné pour les Japonais et inclura l’environnement de la personne.
Je ne peux m’empêcher d’y voir une relation avec la façon dont nos cultures réagissent à la pandémie. Voyez la courbe des morts ci-dessous (source: Washington Post). Certes, les pays asiatiques partaient avec de l’avance grâce à leurs expériences du MERS et du SARS, à des pratiques d’hygiène plus avancées (comme le port du masque davantage normalisé), à de fortes restrictions sur les voyages et la mise en place rapide de tests et de traçage. Mais il me semble que dans une pandémie, il est essentiel de se rendre compte que le virus se propage de personne en personne, et que mon comportement a une influence sur la société entière (sinon, je suis plutôt du genre you do you dans la vie, mais malheureusement, ce n’est pas possible lorsqu’on parle de contagion). Bref, la pensée holistique des pays asiatiques et leurs traditions qui mettent en avant les relations d’interdépendance et d’interconnectivité est clairement un avantage lorsqu’on fait face à une pandémie et à la nécessité de comprendre que les dynamiques individuelles influent sur le collectif. Cela a un impact non seulement sur les comportements individuels, mais aussi sur la façon dont sont reçues les restrictions imposées aux populations.
C’est très triste de lire les discussions sur la politique du gouvernement français (je vous accorde que le pompon ces dernières années revient quand même aux Américains! USA first comme dirait l’autre.) Le politique a bien sûr un rôle à jouer dans la gestion de la pandémie: l’organisation de la solidarité nationale, l’augmentation des moyens médicaux (hôpitaux et vaccination) et à long terme le financement de la recherche médicale. Mais ce n’est pas le gouvernement qui assure la transmission du virus, ce sont les individus au quotidien (souvent sans le savoir, c’est bien le problème), qui interagissent en milieu clos et sans masque.
Les comparaisons internationales me donnent régulièrement du grain à moudre: je lisais par exemple que l’opposition politique française parle du fiasco français des vaccins – en réalité, le taux de vaccination en France est très similaire à celui en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Et même dans les pays où la vaccination marche très fort comme aux États-Unis (où j’habite), il va falloir attendre l’été pour espérer un début d’immunité collective – et ce n’est pas gagné entre une partie de la population qui ne se fera de toute façon pas vacciner, l’attente des autorisations vaccinales pour les enfants, sans compter une pression de sélection qui peut favoriser l’émergence de variants plus résistants aux vaccins. Aux États-Unis, et malgré le succès de la campagne de vaccination, nous sommes au début d’une quatrième vague qui va probablement dépasser celle que nous avons vécue cet été. On voit la lumière au bout du tunnel, mais il reste encore quelques mètres à parcourir. Les vagues successives de contamination et la nécessité d’alterner périodes permissives et de confinement, on le sait depuis le début.
Sinon, pour consoler les nouveaux confinés en France, sachez que cela fait un an et deux semaines que nous sommes en télétravail, et que le retour au bureau n’est pas du tout à l’ordre du jour. Les écoles de Pittsburgh devraient rouvrir le 6 avril (donc après plus d’un an d’enseignement à distance) pour une petite partie des élèves (grandes sections, CP et élèves en difficulté). Le grand retour est prévu pour le 3 mai, et encore, dans un modèle hybride (nous avons de la chance et nous sommes dans un petit school district au nord de Pittsburgh, qui a pu déjà accueillir les élèves du primaire à 100% depuis plusieurs mois).