Le sujet du 20th in America de ce mois-ci n’est certes pas très glamour, mais très intéressant pour les personnes vivant aux Etats-Unis, car on y aborde un sujet très loin des dorures dont on revêt habituellement la communauté des expatriés (par erreur et ignorance à mon avis, car vivre aux Etats-Unis, en fonction de ses circonstances, ça peut être la vraie galère…) Du coup, je suis impatiente de lire les contributions des autres bloggeurs, dont vous trouverez les liens vers les articles en bas de ce billet. Il s’agit de discuter de notre façon d’affronter les coups durs au pays de l’Oncle Sam. Un sujet qui je pense peut faire tiquer les Français de France, car il est beaucoup question d’argent, ce qui est toujours un peu tabou dans l’hexagone, alors qu’il est plus facile d’en parler ici.
Aux Etats-Unis, il n’y a pas vraiment d’indemnité chômage (c’est en fonction des Etats), l’assurance santé se fait par le biais de l’employeur, alors lorsqu’on perd son boulot (souvent la chose qui a permis l’expatriation en premier lieu), que faire ? Bien sûr, cela dépend des conditions de l’expatrié en question : quelqu’un qui est envoyé par son entreprise depuis la France, ou une personne sur un visa lié à un travail ne se posent pas les mêmes questions que des résidents permanents (lire « heureux détenteurs de la Carte Verte voire citoyens américains »). Avoir des enfants ou pas rend également les choses différentes, en fonction de leur âge notamment. Il me semble par exemple que l’on est quand même plus flexible avec des enfants en bas âge qu’avec des adolescents, pour qui les relations sociales prennent beaucoup plus d’importance et qui pourront potentiellement vivre plus difficilement un déménagement.
Alors, quelles précautions avons-nous prises de notre côté en cas de coup dur?
1. Payer nos dettes et ne pas en avoir (plus que nécessaire): c’est le premier conseil des articles sur la gestion de son argent. On le sait, les Américains vivent à crédit: par exemple, je peux dépenser plus de 3000 dollars sur ma carte de crédit, et ne rembourser que 25 dollars le mois prochain… mais cela fera courir des intérêts, et ils sont très élevés (de l’ordre de 18%, mais ça varie beaucoup). Une fuite en avant. Beaucoup de jeunes adultes commencent également leur vie professionnelle avec une dette due à leurs études, qu’ils vont devoir rembourser (un des bons côtés de la France, c’est que nous avons échappé à cela). Pour la petite histoire, nous avons effectivement dû emprunter lorsque nous avons déménagé aux Etats-Unis il y a cinq ans pour payer une voiture, la caution pour l’appartement, plusieurs aller-retours en France… Notre priorité a donc été de rembourser tout cela.
2. Avoir un fond d’urgence (emergency fund en anglais): notre autre priorité pour nos premières années aux Etats-Unis était de constituer un fond d’urgence. C’est le second conseil des articles sur la bonne gestion financière des particuliers, et cela permet de faire face à un licenciement inopiné (mon mari a un contrat at will (à volonté), avec zéro jour de préavis et pas forcément d’indemnité), un problème légal (les avocats coûtent cher!) ou un souci de santé non couvert par son assurance. On conseille d’avoir suffisamment de liquidité pour tenir entre 3 et 6 mois sans revenu. Je dis bien « liquidité », c’est-à-dire une somme disponible rapidement – ce qui permet d’alimenter toute une pléthore d’auteurs qui vont vous conseiller sur la bonne façon de placer cet argent (personnellement, je n’ai pas encore trouvé le Saint Graal qui allierait liquidité et intérêts non ridicules…) Beaucoup d’Américains (66 millions d’adultes pour être précise) n’ont pas de fond d’urgence, et 47% ne pourraient pas couvrir une dépense imprévue de 400 dollars [source]. C’est ce qui s’appelle to live paycheck to paycheck (~ vivre de paie en paie) et on a beaucoup entendu cette expression lors de la campagne présidentielle américaine. Nous avons donné priorité à la constitution de ce fond d’urgence, en raison de quoi nous n’avons pas pu faire tous les voyages que nous aurions aimés: je n’ai toujours pas été à Las Vegas ou New York par exemple. Mais je dors mieux la nuit, d’autant plus quand je rêve du jour où j’irai à New York. Et au Japon. Et en Chine. Et en Inde (oui, j’ai très envie de découvrir le contient asiatique!)
3. Partir de Californie et déménager en Pennsylvanie: j’ai déjà publié un billet sur la raison de notre déménagement à Pittsburgh, et cela fait partie de notre façon d’anticiper les coups durs. Il est plus facile de faire face à un imprévu financier lorsqu’on a un loyer ou des mensualités raisonnables – ce qui n’était pas le cas dans la Silicon Valley.
4. Prendre un prêt immobilier sur 30 ans: qui dit devenir propriétaire, dit prendre un prêt pour payer le toit au-dessus de votre tête (pour la plupart des gens en tout cas). Nous aurions pu prendre un prêt sur 20 ans, et nous espérons le rembourser encore plus rapidement, mais nous avons choisi la durée de 30 ans pour avoir des mensualités les plus basses possible. Il faut savoir également que, contrairement à la France, le remboursement anticipé n’est pas pénalisé (en France, il est possible, mais au-delà d’une certaine somme, il faut payer des frais, ce qui semble juste aberrant vu d’ici. Ah, on ne paye pas de frais bancaires non plus – eh oui, les banques françaises ont la vie belle…) Cela semble stupide d’emprunter sur 30 ans quand on peut se permettre 20 ans, car notre taux d’intérêt est plus haut – mais cela nous permet de réduire la voilure de façon très réactive en cas de coup dur, ce qui, à nouveau, me permet de mieux dormir la nuit.
5. Avoir l’assurance santé la plus chère, mais qui couvre le mieux: comme je le disais plus haut, l’assurance santé aux Etats-Unis s’acquiert dans la majeure partie des cas par son employeur. Dans notre cas, l’employeur de mon mari nous laisse le choix, qui va de l’option qu’on surnomme entre nous « cowboy » (on ne paie presque rien, mais on a très peu de couverture en échange) jusqu’à l’option « prisonnier dans une cage d’or »: on contribue beaucoup, nous sommes limités à un réseau de professionnels de santé, mais en échange, on paye « assez peu » lors des consultations. En ayant deux enfants qui vont régulièrement aux urgences, c’est cette dernière option que nous avons choisie (allez, pour vous faire aimer le système de santé français, je vous donne les chiffres: notre franchise (copayment ou copay en anglais) n’est « que » de $20 dollars par consultation (certaines, comme les visites de routine pour les enfants, sont gratuites) et $125 aux urgences. Nous avons été aux urgences en France cet hiver (les enfants vous disais-je) et nous avons dû tout payer de notre poche… 83 euros, soit moins que notre copay habituel ! On comprend pourquoi les Américains vont faire du tourisme médical…)
6. Avoir une assurance vie: en ce moment, même si j’ai un peu de revenu via mon activité de consultante, (la féministe en moi bouillonne d’écrire cela, mais faisons preuve d’un peu d’humilité…), notre famille est financièrement dépendante de mon cher et tendre. Oui mais: les accidents arrivent, et avoir une assurance vie permet d’être un peu plus serein sur le sujet (certaines entreprises prennent d’ailleurs en charge l’assurence vie de leurs employés). On n’aime pas en parler, ni même y penser, mais c’est pourtant une discussion et une disposition essentielle dans notre configuration familiale actuelle.
7. Avoir un deuxième salaire (bon, ce n’est pas encore tout à fait le cas, mais j’espère d’ici quelques mois): en tant que maman de jeunes enfants, il serait tout à fait acceptable socialement que je mette ma carrière professionnelle entre parenthèse pour me consacrer à notre progéniture. Beaucoup d’Américaines le font, même (et surtout ?) dans les classes moyennes supérieures. Quand on voit le prix de la crèche (l’école publique ne commence qu’à 5 ans) et les horaires des écoles (qui finissent bien souvent vers 15h), on comprend pourquoi. Mais m’occuper d’enfants 24/7 (la façon américaine de dire « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 »), ce n’est pas vraiment mon truc. Alors je fais des missions de consulting et je vends du thé en attendant de trouver un travail salarié. Ne pas dépendre d’un seul salaire, cela permet de bien amortir les coups durs.
8. Enfin, je me dois d’évoquer un autre coup dur, qui n’est pas d’ordre financier mais néanmoins important: la préparation aux catastrophes naturelles, notamment les tremblements de terre en Californie. Lorsque nous y habitions, j’avais passé pas mal de temps à sécuriser la maison (attacher les meubles et tableaux aux murs par exemple) et à constituer un kit de survie: réserves d’eau et de nourriture, cash à disposition, matériel de camping, et même lunettes de rechange… Une préparation qui n’a servi à rien au final, mais je ne m’en plains pas. Le territoire des Etats-Unis est sujet à beaucoup de catastrophes naturelles (tempêtes, cyclone, inondations, tremblements de terre…) et d’ailleurs, une des raisons qui font que j’aime Pittsburgh est que c’est l’un des rares endroits où elles sont très minimes…
Pour conclure, la vie aux Etats-Unis n’est pas toujours rose, et il est plus facile de faire face aux coups durs lorsqu’on les a anticipés. Je n’aurais pas géré les choses comme cela il y a dix ans, mais avec l’âge et surtout les enfants, je ne veux juste pas me permettre la même insouciance qu’à 20 ans. D’ailleurs, il manque à ma liste quelque chose que nous aurions dû faire depuis un moment: la mise en place d’une will (une sorte de volonté ou testament notarié), surtout pour dire comment nous aimerions que les enfants soient traités si nous, parents, venions à décéder. Bien sûr, nous préférerions qu’ils puissent rentrer en France rapidement dans nos familles, mais comme ils sont américains autant que français, ils pourraient rester bloqués ici le temps que les démarches soient faites ou qu’un juge (américain) tranche. D’où l’intérêt d’avoir un document légal qui mette les choses au clair.
Enfin, je n’ai pas parlé d’un aspect qui je pense surgit lorsqu’on fait face à un coup dur: l’aide apporté par la communauté. Les Américains sont très solidaires et ils se serrent les coudes en cas d’accident de la vie. Il n’est pas rare de voir des urnes dans les magasins pour aider à payer le traitement du cancer de la voisine, ou encore des campagnes sur gofundme.com pour payer les frais d’hôpital de la petite fille qui s’est fait mordre par trois bouledogues. Dépendre de la bonne volonté de la communauté peut nous mettre mal à l’aise en tant que français, habitués à compter sur des mécanismes de redistribution nationaux et aveugles, mais c’est une manifestation directe du passé de pionniers des colons américains, qui ne pouvaient compter que sur eux-mêmes et leurs proches.
Cet article participe au défi blog « The 20th in America » initié par Laetitia de French Fries and Apple Pie et Isabelle du blog FromSide2Side.
Ce mois-ci, les participants sont:
- Isabelle, du blog fromside2side (lire aussi son article sur la chute libre)
- Pierre-Yves Monet, avec une sacrée série noire.
Salut,
Pour info, la pénalisation des remboursements anticipés est une des spécialités de LBP, où vous avez contracté votre premier prêt. Mais beaucoup d’autres banques n’ont pas cette pratique, sauf en cas de rachat du prêt par une banque tierce.